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# Introduction au monde du Libre ## 1. Un détour par les communs (Cette partie est essentiellement basée sur l'article de Sébastien Broca et Benjamen Coriat [voir bibliographie]). :::info Le terme de commun vient de l'anglais *common* . Ce dernier terme fait référence aux *commoners*, nom donné aux usagers et gestionnaires de grandes surfaces agricoles cultivées et gérées collectivement suivant des méthodes traditionnelles dans l'Angleterre médiévale. ::: Notons que, si la gestion quotidienne de ces surfaces agricoles était concédée à la population locale, celles-ci restaient la propriété de la noblesse locale. ### Où il est question d'enclosures Le mouvement des enclosures a consisté à la reprise en main des *commons* (et leur clôturage, d'où le nom) par leur propriétaire à partir du XIIe siècle mais surtout entre le XVIe et XVIIe pour assurer l'élevage ovin nécessaire à la production lainière. ### La Tragédie des communs L'analyse économique classique reposent sur l'idée que les enclosure ont favorisé le développement de l'industrie lainière et les échanges qui en ont découlés; cette analyse a été influencée par l'ouvrage de Garett Hardin paru en 1968 («The Tragedy of the Commons»). La thèse d'Hardin se rapproche de celle déjà enoncée par Aristote. Elle peut se compredre comme > Ce qui est commun à tous fait l'objet de moins de soins, car les Hommes s'intéressent davantage à ce qui est à eux qu'à ce qu'ils possèdent en commun avec leurs semblables. (citée par G. Mankiw et M. Taylor dans leur ouvrage *Principes de l'économie*). Ainsi donc, l'organisation en *common*, ne resposant pas sur la privatisation d'une ressource, ne permettrait pas d'exploiter celle-ci de façon optimale. ### Le renouveau des communs À rebourd de cette lecture, et plus encore des idées libérales des années 1980, plusieurs travaux mettent en lumière une autre réalité. À partir d'études de cas réalisées dans des pays du Sud ayant vu menés une privatisation systèmatique des terres conforme aux préconisations de la Banque Mondiale, une série d'études sont présentées en 1986 lors d'une conférence du *National Research Council* (une branche de l'Académie des Science des États-Unis d'Amérique). Il semblerai de ces privatisation systématique des terres n'aboutissent pas aux bénéfices sur les développement attendus voire provoquent des dégâts tant sociaux qu'écologiques. Dans certains cas, sont même observés une moindre productivité des exploitations privatisées. Les études théoriques sur les *commons* aboutissent au travail de sythèse d'Elinor Ostrom en 1990 sur la gouvernance des communs qui lui vaudront le prix dit "Nobel d'économie"^[Il s'agit du nom courant du *Prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d'Alfred Nobel*] en 2009 . ### Définition :::info On appelle **commum** une ressource (physique ou non) qui sont utilisées et gérées collectivement par un groupe de personnes qui en possède la propriété. ::: ## 2. Le logiciel libre ### Historique rapide #### 1946-1969 : Nouvelles techniques, nouvelles règles ```mermaid gantt axisFormat title Pédiode 1940-1969 1940 Premiers ordinateurs (Recherche universitaire): 1940,, 365d 1943 Premiers ordinateurs (Contexte militaire): 1943,,365d 1945 ENIAC (Contexte militaire): 1945,,365d 1951 Premiers ordinateurs (Commerciaux): 1951,,365d 1962 N. Wiener: 1962,, 365d 1964 Premiers brevets logiciel: 1964 ,, 365d 1964 Multics: 1969 ,, 365d 1969 Action anti-trust contre IBM: 1969 ,,365d ``` Pour simplifier, nous ferons remonter les premiers ordinateurs à 1940, on consultera avec profit l'ouvrage d'E. Lazart et P. Mounier-Kuhn pour plus de renseignements. Après une phase de développement uniquement à des fins de recherche mais financés dans le cadre de la seconde guerre mondiale, les premiers ordinateurs militaires apparaissent dès 1943; l'un des projets les plus connu est l'ENIAC (1945) qui, s'il n'a pas été utilisé durant la seconde guerre mondiale, l'a été pour étudier la fiabilité de la bombe H. On peut faire remonter les premières machines commerciales à 1951 : l'ère du traitement numérique de l'information est né. Pionier de la cybernétique, Norbert Wiener publie en 1950 son ouvrage «The Human Use of Human Beings» traduit en fraçais sous le titre «Cybernétique et société. L'usage humain des êtres humains». Dans l'édition de 1962, Wiener affirme que soumettre l'information au régime de la propriété privée ralentirait sa circulation et par là même réduirait son utilité sociale. Cette idée, qui fait de la fluidité des échanges informationnels la base du progrès des sociétés, est cependant loin d'être nouvelle : que l'on pense à la *République des Lettres* de l'époque des Lumières ou au développement du livre imprimé et des outils associés (on se réfèrera à l'ouvrage d'Ann Blair donné en bibliographie). Au vu du coût important du matériel informatique, les programmes nécessaires à leur fonctionnement, bien souvent issus de travaux universitaires, sont disponibles «gratuitement» dans le Domaine Public^[On abordera cette notion dans un prochain Vendredi du Libre]. Il faut bien voir que peu d'ingénieurs sont capables de le comprendre et d'y accéder. Dans tout les cas, les programmes n'intéressent pas le «marché». Certains esprits pragmatiques déposent cependant dès 1964 des brevets sur des programmes, mais aucun cadre juridique n'existant, cela reste marginal et assez incentain. Le projet *Multics* du MIT et AT&T lancé en 1964 aboutit à de nombreuses nouveautés techniques révolutionnaires pour l'époque. En 1969, la place d'IBM devient de plus en plus monopolistique. Objet d'une surveillance de plus en plus forte des juristes Anti-Trust, IBM commence à séparer la facturation de son matériel et des logiciels qui lui sont associés. #### 1970-1979 : Enclosures numériques ```mermaid gantt axisFormat title Pédiode 1970-1979 1970 Unix:1970,,365d 1971 Richard Mickaël Stallmann entre au MIT: 1946,, 365d 1971 Premier usage du terme journalistique «Silicon Valley»: 1971,,365d 1972 Premier microprocesseur grand public 1973 Invalidation des brevets de l'ENIAC: 1975,, 365d 1974 Affaire Safari: 1974,,365d 1975 Louis Pozin et le Réseau Cyclades: 1975,,365d 1975 Premiers kits de micro-ordinateurs 1975 Création de Micro$oft 1976 William Henry Gates et les copies pirates 1978 La CNIL 1978 Fin du projet Cyclades--Début du Minitel ``` Suite à l'arrêt par AT&T du projet Multics en 1969,Un groupe de programmeurs d'AT&T, Malcolm Maclloy, Ken Thompson et Dennis Richie décident alors de développer à partir des résultats précédents un nouveau système d'exploitation : *Unix*. La commercialisation d'Unix par AT&T est cependant empêchée par la loi Anti-Trust (qui depuis 1956 interdit à AT&T de vendre autre chose que du matériel) , Unix se diffuse progressivement dans de nombreuses universités américaines. En 1973, un décision de justice invalide les brevets initialement déposés par les ingénieurs ayant développés l'ENIAC après longue procédure opposant les universitaires partisant de la libre diffusion alliés pour la cause aux millitaires souhaitant favoriser le développement de ces machines et les ingénieurs ayant participés au développement de la machine (et qui souhaitaient rentabiliser leur invention via la création d'une entreprise commerciale). La mise à disposition de ces connaissances dans le domaine public va accélérer encore le développement de sociétés nouvelles. Ainsi progressivement de nouvelles sociétés sont fondées pour vendre du logiciel et intégrer le nouveau «marché» qui en résulte. Pour se développer, ces sociétés ont cependant besoin de spécialistes qui ne se trouvent que dans les Universités. Ceux-ci sont progressivement recrutés ou intégrés à des projets commerciaux, tarissant par exemple le vivier du MIT par exemple. Seuls des informaticiens défendant les valeurs traditionnelles de la diffusion des connaissances, tel R.M. Stallman du MIT s'accrochent à leur position éthique. En 1974, dans le cadre du projet SAFARI, le Ministère de l'Intérieur autorise le croisement de fichiers administratifs dans le but de réaliser une base de donnée unique de toute la population. Cette décision révélée par le journal *Le Monde* («SAFARI ou la chasse aux français»), déclanche une vive opposition de l'opinion. Le projet est retiré. Pour veiller à ne pas reproduire cette erreur, la CNIL sera crée en 1978 par la loi «Informatique et Liberté». En 1975, Louis Pouzin invente le concept de *datagramme* dans le cadre du réseau Cyclades en France, qui relie 25 ordinateurs européens. Fort de ce succés et suite à un intense lobbying de ce qui deviendra France Télécom, le projet est arrêté en 1978. Le premier microprocesseur tout en un est commercialisé par Intel en 1972, bien vite concurrencé par d'autres fondeurs (Motorola, Zilog, ...). Le coût réduit de ces composants permet dès 1975 à des micro-ordinateurs en kit d'être commercialisés. L'informatique grand public est née favorisant tout un écosystème dont de nombreux titres de la presse spécialisée partout dans le monde gravitant autour de club d'amateurs. Parmis les sociétés fondées dans cette décénie, Microsoft est fondée en 1975 par William Henry Gates et Paul Allen. En 1976, W. Gates proteste contre la diffusion de copies illégales des logiciels de sa société, s'attirant les critiques de certains amateurs. Mais Microsoft n'est encore qu'une petite entreprise, ce n'est que quelques années que celle-ci sera propulsée par une décision d'IBM. #### 1980-1989 : Vers une libération du logiciel ```mermaid gantt axisFormat title Pédiode 1980-1989 1980 «Démocratisation des ordinateurs»: ,, 365d 1980 Loi Américaine sur le brevet logiciel: ,, 365d 1980 Richard Mickaël Stallmann et l'imprimante Xerox 1982 Acquittement d'IBM: ,, 365d 1983 Début du projet GNU: ,, 365d 1985 Fondation de la Free Software Fondation: ,,365d 1986 Formalisation de la liberté logicielle: ,,365d 1987 Andrew Stuart Tannenbaum crée MINIX: ,,365d 1989 Rédaction de la GPL: ,, 365d ``` Les années 1980 voient le développement de machines et de logiciels abordables pour le grand public. C'est la naissance de l'informatique personnelle. Côté législation, le dépôt de brevets sur du code informatique devient officiellement légal à partir de 1980, soutenant d'autant plus la créativité logicielle de multiples sociétés qui valorisent leurs produits en s'appuyant sur des cessions de droits. IBM diversifiant ses filiales et sociétés connexes mais indépendantes échappe ainsi finalement au procès initié contre lui treize ans auparavent. C'est aussi en 1980 de R.M.Stallman, souhaitant modifier le fonctionnement d'une imprimante Xerox défectueuse, se voit dans l'impossibilité de le faire non seulement parce que le logiciel n'est pas disponible facilement mais aussi parce que son développeur a cédé les droits d'exploitation de son code à la société Xerox; Stallman y voit une grave atteinte au code moral des informaticiens et commence une réflexion qui aboutira en 1983 au lancement du projet GNU (un ensemble de logiciels développés et distriués avec une licence garantissant la préservation du dit code moral; parmis ces logiciels citons l'éditeur de texte *Emacs*, compilateur *gcc* et le coeur de système d'exploitation *Hurd*) puis en 1985 à l'institution de la Free Software Foundation, fondation de drois américain assurant la promotion et le soutient du Logiciel Libre. Les travaux de la FSF débutés en 1986 aboutissent à la formalisation du «code moral» de Stallman en la Licence GPL (GNU Public Licence) en 1989. Jusqu'en 1987, Andrew Stuart Tannenbaum, enseignant l'informatique à l'Université Libre d'Amsterdam, utilisait du code de l'Unix AT&T comme support d'enseignement. En 1987, AT&T interdit l'utilisation du dit code, même pour l'enseignement. A. S. Tannenbaum s'attele donc à l'écriture d'un système de type Unix ultra simplifié : MINIX dont le code est diffusé dans le domaine public (il est par exemple facilement disponible dans l'ouvrage «Operating Systems: Design and Implementation» de Tannenbaum). #### 1990-2000 : L'envol du manchot ```mermaid gantt axisFormat title Pédiode 1990-2000 1990 «Démocratisation d'Internet»: ,, 365d 1990 Le monde des affaires s'intéresse au logiciel libre:,,365d 1991 Linus Torvalds rend public Linux: ,, 365d 1994 Netscape Navigator 1994 Netscape Navigator 1994 Netscape Navigator 1997 Eric Raymond publie «La Cathédrale et le Bazard»: ,, 365d 1998 Fondation de l'Initiative Sources Ouvertes: ,,365d 1999 Napster et le peer-to-peer: ,,365d ``` Les années 1990 sont celles du déploiement, progressif mais massif, d'Internet, le réseau de réseau conçu par la DARPA à partir de 1969. Dans ces années également, le monde des affaires commence à s'intéresser au logiciel libre et à ses résultats, n'y voyant dans un premier temps que comme des logiciels gratuits (*freeware*) de grande qualité (par exemples, les outils développés dans le cadre du projet GNU.) En 1991, Linus Torvalds, étudiant en informatique décide de développer un nouveau système d'exploitation à partir du système simplfié de MINIX. Le code est en effet librement accessible, ce n'est d'ailleurs pas le seul informaticien qui se lance dans une telle entreprise. Cependant L. Torvalds diffuse sur Internet son code sous licence GPL. Cette initiative permettra l'implication de nombreux informaticiens, bénévoles dans un premier temps, échangeant des modification du code par l'intermédiaire d'Internet. De nombrest publié le premier nagivateur web commercial Netscape Navigator. Ce logiciel donnera naissance une fois passé sous licence libre, à Firefox. De nimbreux logiciels sont développés ainsi tels *fetchmail*, un logiciel pour l'échange de courriers électroniques. Comparant le développement, souvent anarchique, de *fetchmail* à celui, très centralisé et hiérarchisé, de *Hurd* (qui est à la peine), Eric Raymond publie «la Cathédrale et le Bazard». D'inspiration libertarienne, E. Raymond avance l'idée que la force du logiciel libre est la disponibilité sans restriction du code, permettant une implication de très nombreuses personnes dans son développement (**crowdsourcing**) : ce concept prend le nom d '«open souce» ou sources ouvertes. Plébicité par de nombreux acteurs industriels, cette approche donne lieu à la création de l'Initiative Sources Ouvertes (*Open source initiative*) en 1998. Notons que B. Gates et Microsoft s'opposent ouvertement à cette approche. En 1999, le logiciel Napster est publié, permettant de partager gratuitement des fichiers (en particulier musicaux). Utilisant une architecture *pair à pair* (*peer-to-peer*). Permettant le partage illégal de fichiers musicaux (car la musique soumise au code de la propriété intellectuelle), le service est fermé en 2001 mais ouvre la voie à la diffusion de l'idée de «communs numériques». #### 2000-2010 : La bataille des formats ```mermaid gantt axisFormat title Pédiode 2010-... 2001 : Wikipedia 2004 : Définition juridique de l'interopérabilité en France:,, 365d 2005 : Création du «Référentiel général d'interopérabilité» en France: ,,365d ``` #### 2010-.... : Péril sur les données ```mermaid gantt axisFormat title Pédiode 2010-.... 2022 : DSA;DMA en EU: ,,365d ``` ### Définition :::info On appelle **logiciel libre** un logiciel garantissant à quiconque de pouvoir 1. l’utiliser 2. le copier pour son usage propre 3. l'étudier voire modifier son fonctionnement 4. le faire circuler (en version originale ou modifiée) aux mêmes conditions... ::: En pratique les critères 1, 2 et 4 sont à destination d'un large public. Les critères 3 et 4 sont à destination des informaticiens. ### Interprétations ### Le logiciel libre est-il un commun? # Note finale :::danger Il semblerai que certaines études, ménées depuis son décés en 2012, relèvent des problèmes méthodologiques dans les travaux d'E. Ostrom. L'article sur lequel se base cette partie date de 2004 il n'intègre donc pas ces critiques. Je vais essayer de me pencher sur l'existence de travaux plus récents du même courant (mais il y a tant de choses intéressantes en ce monde) :-) ::: ## Bibliographie utilisée * «Introduction au logiciel libre», 18 avril 2003, page extraite du site http://ww.domainepublic.net * «Sébastien Broca, Utopie du logiciel libre. Du bricolage informatique à la réinvention sociale» par Samuel Goëta, Questions de communication, n°25 (2014) * «Logiciel libre et éthique du développement de soi» interview de Stephan Merten par Joanne Richardson, Multitudes, n°8 (Mars-Avril 2002) * «Globalisation et propriété intellectuelle» par Antonella Corsani et Maurizio Lazzaro, Journarl des anthropologues, n°96-97 (2004) * «Le logiciel libre et les biens communs, deux formes de résistance et d'alternative à l'excusivisme propriétaire» par Sébastien Broca et Benjamin Coriat, Revue internationale de Droit Économique (2015) * «La convivialité», Ivan Illich, Seuil (1973) * «Tant de choses à savoir. Comment maîtrise l'information à l'époque moderne» par Ann Blair, Seuil (2020) * «Guide d'autodéfense numérique», éditions Tahin Party (2017) * «Histoire illustrée de l'informatique» par Emmanuel Lazard et Pierre Mounier-Kuhn, Edp Sciences (2016) -- Disponible à la Médiathèque du Golfe (Vannes) sous la cote *004 LAZ* ## Ressources diverses (consultées rapidement) * Page Web Wikipedia sur «la tragédie des biens communs» (https://fr.wikipedia.org/wiki/Trag%C3%A9die_des_biens_communs) * Extrait d'une conférence de Richard Stallman à l'École Supérieure d'Informatique de Bruxelles, 28 septembre 2012 (https://www.bxlug.be/IMG/ogg/stallman-ulb-2.ogg) * «Humanisme et informatique libre : une lecture philosophique» par Véronique Bonnet, RMLL 2015 (Beauvais) (https://rmll.ubicast.tv/videos/humanisme-et-informatique-libre-une-lecture-philosophique) [Note: V. Bonnet est la présidente de l'association APRIL] * Page Wikipédia d'Elior Ostrom https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Elinor_Ostrom * Page Wikipédia de Minix https://fr.wikipedia.org/wiki/Minix * Introduction à la notion de commun https://lescommuns.org/ * Notion en débat : les communs http://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/a-la-une/notion-a-la-une/communs ## Introduction ## Quelques remarques personnelles ## Conclusion